On a tous nos blessures



Je pense que ma plus grande zone de fragilité, c’est l’amitié entre femmes. C’est là que j’ai eu le plus mal dans ma vie, que j’ai été le plus blessée. Et ça ne date pas d’hier.Enfant, je me souviens que dans ma rue, j’étais la plus jeune du quartier. Les autres filles que je trouvais si belles et avec qui je voulais tant être amie avaient un bon 4 ans de plus. Un monde, quand t’as 6 ans. (C’est clair que tu ne veux pas te faire voir avec un « bébé » quand t’es une grande de 10 ans!) Elles ont donc fait ce qui était prévisible: elles m’ont rejetée. Souvent. Parce que j’étais très tenace et j’espérais tant les faire changer d’idée. Les premiers rejets donc, les premières larmes, les premiers bobos au cœur que Maman ne peut plus guérir à coup de bisous remplis d’amour. Et j’ai été « dure de comprenure », parce que j’ai reproduit le pattern pendant longtemps. Très longtemps.

Au secondaire, je pensais que ça y était. Je me tenais enfin avec la gang de filles populaires du moment. 8 filles qui l’avaient l’affaire, belles et ben actives avec les garçons, malgré leur jeune âge. Je détonnais. J’avais du succès avec les garçons, certes, mais je prenais mon temps. (Ça avait tout pris pour que j’embrasse finalement le garçon de mes rêves sur la bouche !) Autre problème: je performais à l’école, j’étais même dans la classe des bollés. Rien de très winner aux yeux des autres filles du groupe. Après quelques mois, la chef de la bande a décrété que je n’étais plus digne d’être une des leurs, que j’étais pas assez déniaisée. L’insulte suprême quand t’es en secondaire 1. Comme je ne consommais pas de boisson ni de drogue, que je ne frenchais pas encore à bouche que veux-tu, on avait décidé que j’étais plate et que je n’avais plus le droit d’être du groupe. Logique. Et pour me passer le message, elles m’avaient fait livrer une lettre, en plein cours d’éducation physique, où chacune de mes « amies » avaient signée. Un vrai coup de poignard au cœur qui m’avait fait pleurer et trembler de rage devant les autres élèves de ma classe.

Finalement, quand j’y repense, le secondaire a été quand même tough. Il y avait aussi cette autre gang de filles qui menaçaient, à peu près aux 2 jours, de me battre à la sortie des classes. La leader, une fille qui parlait plus qu’agissait, a eu beau me menacer des dizaines de fois, il ne m’est jamais rien arrivé. Mais c’était suffisant pour que j’aie, à partir de ce moment-là, la peur au ventre à chaque jour de classe et que je longe les murs pour ne plus me faire remarquer.

Plus tard, j’ai pensé que j’étais finalement venue à bout de ce karma trouble avec les filles. Mais l’histoire s’est répétée pour enfin se conclure dans une ultime peine d’amitié l’an dernier, alors que j’avais 40 ans! Ça en est gênant de l’admettre! Je pourrais dire que ce sont toutes des connes, qu’elles ne m’ont jamais comprise et que je suis une pauvre victime. Je pourrais, je l’ai déjà fait, pleurant sur mon sort comme un enfant de 4 ans… Mais, un jour, j’ai réalisé que le seul point en commun dans toutes ces histoires, c’est moi. Et tant que je ne prenais pas ma part de responsabilités, ça allait se reproduire, en faisant de plus en plus mal, jusqu’à ce que je m’ouvre enfin les yeux.

J’ai finalement compris (j’vous l’ai dit, j’suis dure de comprenure parfois!) J’ai réalisé que j’allais systématiquement vers des filles que je sentais « dangereuses », des filles qui représentaient, à mes yeux, un mélange de force de caractère et d’inconscience. Me poussant à chaque fois à marcher sur des œufs, à faire attention à ce que je disais ou faisais en leur présence. Et je me transformais alors en petite fille beaucoup trop gentille. Comme la petite de 6 ans que j’avais été, qui était fine, fine, fine, pour enfin se faire aimer. L’amie parfaite, c’était moi! Généreuse (trop), attentive, compréhensive, toujours de bonne humeur… C’est clair que ça devait péter! Je ne suis pas comme ça! Quiconque me connait pour vrai sait à quel point j’ai un caractère fort.

Bref, j’ai enfin compris que je devais montrer ma force en premier, accepter ce côté de ma personnalité et que si l’autre l’acceptait aussi, là je pouvais lui ouvrir la porte de mon intimité et non l’inverse. Et j’ai de la chance. Parce que les amies de fille que j’ai si longtemps espérées, je les ai enfin trouvées. Des femmes qui voient au-delà de mes blessures, qui m’ont vue dans mes pires moments, et qui sont encore là, à mes côtés. J’pense que j’suis finalement venue à bout de mon karma. Dieu merci.

Julie

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