L’ordinaire



Je suis quelqu’un qui a de la difficulté avec l’ordinaire.

Depuis toujours, je suis comme ça. J’essaie de mettre une dose d’extraordinaire dans ma vie, j’suis pas bien quand c’est trop tranquille, routinier, redondant. J’ai longtemps eu la douceur en horreur. Fallait que ça brasse, que ça écorche, que ça demande tout mon jus, pour me sentir en vie.

Y’a une image qui me revient en tête à chaque fois que je repense à ça. On est en mars sur la Côte-Nord. J’ai 14-15 ans. Un hiver interminable, qui s’étire, qui mine. Ce jour-là, le ciel est gris, y’a pas de couleur, pas de bonheur. Juste du blanc, du gris et de la slush plein les bottes. Même la mer dernière chez mes parents est au beau fixe. Rien ne bouge, tout est mort.

Et ça, ça m’angoisse. Big time.

Alors que certains pourraient apprécier le calme du paysage, la beauté des différentes nuances de gris, moi j’étouffe. Comme si une force m’obligeait à brasser mon quotidien, trouver quelque chose à faire, pour vivre plus intensément. Comme si j’étais en danger et que l’ennui allait me tuer. Rien de moins.

Toutefois, même si l’ennui et moi on n’est pas encore les meilleurs buddies du monde, avec le temps, j’ai compris qu’il pouvait aussi y avoir du bon qui en ressortait. Dans mon cas, j’ai réalisé qu’il est souvent l’élément moteur de ma créativité. C’est souvent suite à l’ennui que j’ai des élans, de bons flashs, que j’écris des textes, des chansons, des idées de projets… Y’a moyen de bien l’utiliser, d’en faire quelque chose.

Mais quand j’avais 14-15 ans, j’avais pas encore réalisé tout ça. J’avais juste l’impression de m’éteindre à petit feu. D’être au point mort moi aussi. Et c’est probablement là que j’ai décidé que ma vie à moi allait me faire toucher à l’extraordinaire.

Que j’allais accéder au beau, au grandiose, parce que j’en rêvais, en avais envie… mais surtout parce que j’en avais besoin.

Julie

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