Le jour où j’ai enfin compris l’importance de vivre le moment présent, par Valérie Beauquier

Par Valérie Beauquier



Ça fait des années que les gens zens, parfaits et heureux disent combien il est important de vivre le moment présent.

À chaque fois que j’entendais cette expression « vivre le moment présent », j’avais l’impression de faire partie d’une autre planète, d’une autre gang : celle qui court après sa queue, celle qui fait un perpétuel marathon et qui arrive toujours à la ligne d’arrivée la langue à terre, celle qui pense à 1 millions de choses à la fois. C’était ça ma vie et c’était normal pour moi. Je ne comprenais absolument pas ce que ça signifiait vivre le moment présent et surtout j’étais incapable de le ressentir….

Parfois, je vivais un soupçon de moment présent pendant un quart de seconde quand je regardais un lac, par exemple… et hop, je retombais dans le tourbillon infernal de la vie. Mille choses se bousculaient dans ma tête : fallait que, je ne devais pas oublier de, j’avais des obligations envers, des attentes à combler, une enfant à élever, les nouvelles à écouter, un chum à aimer, des amis à aider, une mère à appeler, des poils à épiler, des courriels à rattraper, des soupers à préparer, et j’oubliais vite la plénitude de ce lac calme et serein…

En plus, quand au hasard d’un magazine ou d’une entrevue à la radio j’entendais quelqu’un vanter l’importance de vivre le moment présent, là je me culpabilisais de ne pas réussir à le faire moi aussi, c’était une autre affaire qui s’ajoutait à ma « to do list ».

Et puis, un beau jour, ça m’a rattrapé, mais solide. Bang, j’ai frappé un mur, la madame était plus capable d’aller vite, de courir, mais en plus, la madame ne l’admettait pas. « Comment ça, je ne peux plus aller à 200 milles à l’heure ? J’ai toujours fonctionné comme ça moi … » Mais non, le corps et l’esprit ne suivaient plus. Une colère sourde s’est mise à gronder à l’intérieur, elle m’assaillait à tous moments. Soudain, il y avait une conspiration contre moi, je me sentais prise au piège par la vie, tout et tout le monde m’oppressait, c’est comme si on s’était donné le mot pour m’empêcher de vivre ma vie. J’ai commencé à ne pas être bien quand je ne pouvais pas faire une chose à la fois, à chaque fois qu’on me sollicitait j’avais envie de hurler, bref à l’intérieur je pétais les plombs.

Et là j’ai compris mon malaise, ma colère, j’avais un besoin vital de vivre le moment présent !!!!

Alors je me suis fait un super plan pour pouvoir vivre le moment présent : j’ai pensé aller vivre à la campagne, vivre mon retour à la terre (ben oui toi !!), m’isoler, je voulais être seule, qu’on me fiche la paix. Ben oui, être seule, c’est bien beau tout ça, mais la vie n’arrête pas, faut que je continue de travailler, d’élever ma fille, de faire grandir mon couple, d’être là pour les gens que j’aime. La fuite n’était pas la solution…

Alors tranquillement, j’ai commencé à apprivoiser l’état de moment présent dans ma vie folle. Je me suis fait une promesse à moi-même : je me suis donnée le droit de faire une chose à la fois. Quand je fais mon épicerie, je fais mon épicerie. Quand je prends un café avec une amie, je me concentre sur cette seule amie sans être distraite par le téléphone, un texto, un courriel…

D’ailleurs, j’en peux plus de pouvoir être jointe même quand je suis sur le bol de toilette. C’est ça, vivre le moment présent. C’est faire chaque action pleinement, sans faire autre chose en même temps, même les tâches quotidiennes les plus anodines.

Dorénavant, la nouvelle Valérie revendique le droit de se lever le matin sans savoir ce qu’elle va faire après son café et sans avoir à se justifier. Je revendique le droit de vivre le moment présent, c’est vital, sinon je vais étouffer.

Et surtout, aujourd’hui j’ai enfin compris qu’on ne cherche pas le moment présent, mais que c’est lui qui finit par nous trouver.

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